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D_Z
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Ann Brun,
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Le jour où on était le
30.9.11
Ane Brun c'est ma trouvaille du jour, sur laquelle j'aurais envie de coller l'étiquette "Attention talent", comme à la Fnac (mais si, vous voyez bien). Sorte d'Agnes Obel norvégienne et non danoise, aux compositions oscillant entre jazz et folk, entre chaud et froid, entre joie solaire païenne et mélancolie profonde. C'est bon, c'est très bon, fluctuant d'un morceau à un autre, jamais tout à fait identique mais toujours surprenant.
"La chanteuse de Schrödinger, elle est là et elle n'est pas là en même temps."
Extraits choisis sur Do you remember, et son clip rétro tout à la fois insensé et plein d'esprit. Et sur l'autre face de la même pièce lancée encore en apesanteur, l'indescriptible mélancolie de The puzzle.
Sur le front à la population sans cesse renouvelée des groupes de pop rock indé branchés du moment, les filles tiennent une place de choix, en première ligne au champ d’honneur, les guitares et autres instruments fièrement levés, prêts à en découdre. Ce ne sont pas des exemples comme Au revoir Simone, CSS ou autre Zola Jesus qui vont nous dire le contraire.
Mais Warpaint n’est pas n’importe quel combat. Celui-là fleure bon le Far West d’un rêve californien, celui de quatre américaines portées par Los Angeles dans une alchimie musicale aérienne à la fois rock, vocale et mélancolique. Un groupe féminin sans être trop ostentivement féministe, un groupe classe mais sexy, aux inspirations à la fois folk et new-wave qui taquinent même parfois allègrement le psychédélisme à la Pink Floyd.
Warpaint, sans fard mais jamais sans guitare
Peut-être que finalement, brûler ses soutiens-gorge comme en 1968 serait aujourd’hui inutile voire carrément old-school, et que le must du moment serait de s’en aller courir dans les hautes plaines sans oublier son maquillage, y avoir un rêve initiatique ou deux, puis s’en revenir des lignes de guitare plein la tête, fonder son propre all-girls rock band.
Une fois n'est pas coutume, il n'y aura pas de découverte de musicien à la clé dans cet article, mais un programme un peu plus introspectif, si ce n'est théorique, sur la façon dont notre sens auditif peut parfois nous tromper. Intéressons-nous donc, via quelques exemples, aux bizarreries liées à notre perception de la musique, et prenons la peine des détours théoriques qui en expliqueront les raisons cachées.
Au royaume des paradoxes géométriques et des objets impossibles,l'escalier de Penrose est un exemple bien connu, tirant partie d'une subtilité (chevauchement de lignes parallèles) dans la représentation en deux dimensions de la perspective, qui donne l'impression visuelle d'un escalier montant (ou descendant) sans discontinuer. Cet exemple d'ailleurs largement repris par Escher dans certaines de ses gravures les plus connues, et à ce stade vous vous demandez sûrement où diantre je peux bien vouloir en venir, surtout sur un blog par ailleurs consacré au media sonore.
Escalier de Penrose, et une de ses représentations par Escher
Habitués que nous sommes à dépister les paradoxes visuels et autres illusions d'optique (à moins que ce ne soit surtout le sous-produit de la médiatisation grandissante de ces derniers), nous le sommes moins avec l'ouïe. Laquelle n'est pourtant pas à l'abri d'erreur de discernement lorsqu'on la soumet à certains paradoxes sonores.
Le pendant sonique de l'escalier de Penrose, en acoustique ce serait ce qu'on appelle la gamme de Shepard, c'est à dire un son qui semble (de façon continue ou discontinue, mais l'illusion est d'autant plus saisissante sur un glissando continu) devenir de plus en plus aigu (ou grave) sans pour autant faire exploser nos oreilles à coup de basses ou hautes fréquences. La preuve par l'exemple ci-dessous.
Glissando descendant de Sheppard-Risset
Un son qui ne laisse pas indifférent, et qui a de quoi perturber, n'est-ce pas ? Mais puisqu'on reste dans le domaine de l'audible, c'est qu'il y a une astuce, une pirouette, et que tout comme dans l'escalier de Penrose, on tourne en rond. Place à l'explication : le son précédent semble monocorde, mais est en fait constitué de 5 octaves simultanées (ce qui n'a rien de bien étonnant, un instrument de musique quelconque renvoyant souvent des multiples entiers - soit donc des octaves - de la fréquence à laquelle il est joué, sous la forme d'harmoniques). Est alors perçue la hauteur coïncidant le mieux avec le seuil d'audibilité, et on comprend qu'avec le déplacement de la courbe de Gauss vers les hautes ou les basses fréquences, on remplace une hauteur par une autre du fait de l'imperfection de notre audition.
D'une façon un peu moins théorique et un peu plus expérimentale, ce phénomène peut aussi s'appréhender sur le spectrogramme du son (en abscisse le temps, en ordonnée la fréquence, en couleur l'intensité du son), ici sur une gamme de Shepard ascendante. On voit que lorsqu'une octave aigue "sort du champ" de perception, elle est remplacée par une octave dans les basses fréquences qu'on ne perçoit pas tout de suite, mais qui vient prendre la relève et assurer l'illusion d'une augmentation continue dans la tonalité.
Spectrogramme d'une gamme de Shepard ascendante
Pour utiliser un autre raccourci, une autre analogie assez proche, cette progression serait à notre ouïe ce que le Barber's Pole est à notre vue.
Barber's Pole
A titre d'illustration, et pour rester dans le domaine des musiques ambient ou trip hop qui me sont chères, ce titre de The Future Sound of London contient un glissando de Shepard, aux alentours de 1 minute. Je me souviens encore de la sensation très étrange que j'ai ressenti à la découverte de ce titre, et je ne suis pas fâchée de pouvoir enfin mettre un nom et une explication derrière ce phénomène.
Même sans pour autant convier les rois de la musiques électro expérimentale des années 1990 comme je viens de le faire, on peut trouver des exemples d'utilisation de la gamme de Shepard en musique "classique", notamment chez Tchaikosky dans sa Symphonie N° 6 (celle qui fut surnommée "la Pathétique") Ecouter un extrait (clic clic) passage, et également par Bach (quoi que ce soit moins frappant que chez Tchaikovsky) Ecouter un extrait (clic clic).
Nos oreilles peuvent donc se faire piéger au jeu des illusions, mais bien plus sournois encore, il est certaines interprétations de ces illusions qui peuvent varier suivant les sujets et dépeindre une variabilité sociale des plus saisissante. A cet effet j'écrirai prochainement sur le paradoxe du triton lequel découle aussi de la gamme de Shepard, mais ce sera à l'occasion d'un prochain article, car il se fait tard et demain il paraît que je travaille.
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Le jour où on était le
18.5.11
Une fois n'est pas coutume, ce blog va vous parler d'artistes peu connus, mais pour la bonne cause du je connais quelqu'un qui connait quelqu'un qui ... a réalisé ce clip. Et je le trouve plutôt chouette, ce clip, pas vous ? Persian Pelican (myspace), folk music de Barcelone, clip tourné en Italie.
[Warning préalable : ce qui suit n'a pas vocation à être exhaustif. Il s'agit d'un petit état de l'art totalement ouvert, écrit pour mon propre souvenir sur des sujets sur lesquels j'ai beaucoup d'intérêt ces derniers temps, mais sur lesquels je ne pourrais en aucun cas prétendre à une parole d'experte ou de spécialiste.]
Qui n'a jamais rêvé d'écouter une oeuvre picturale les yeux fermés, ou de voir une symphonie en Technicolor ? Ou encore, pour celles et ceux dont les perceptions se chevaucheraient un peu ("A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu" ... Une légère synesthésie, nous apprendraient les sciences cognitives), d'être capable de le formaliser et de le conceptualiser, voire de créer des outils ad-hoc - en l’occurrence des interface - pour permettre le dialogue à deux voix - thème et traduction - entre les langages de la sensibilité visuelle et de la sensibilité musicale ?
Du son à l'image - spatialisation et illustration sonore en temps réel
Ne me répondez pas "non", car c'est ce que vous faites malgré vous à chaque fois lorsque vous écoutez de la musique sur ordinateur, si vous avez installé un de ces populaires plug-ins de visualisation qui existent tant chez Winamp que chez Windows Player et consorts, pour nous improviser fractales et autres kaléidoscopes esthétisants en temps réel. Ce qui est bien la preuve qu'on peut facilement interfacer des dispositifs de créations d'image partant d'un son au format numérique, dont toutes les caractéristiques d'onde sont connues car déjà échantillonnées (et puisque "reproduites" au travers d'un haut-parleur - même si cela a dû passer par une compression impactant la qualité du son).
Vu que mon ordinateur était sourd comme un pot de fleurs, je lui ai appris à me parler en musique visuelle... (Malheureusement il continue à être désespérément docile comme une pierre et à ne faire que ce que je lui demande.)
Il s'agit là d'une utilisation bien connue mais surtout récréative, le but étant vaguement esthétisant : fournir une image mouvante en temps réel flattant les sens de l'auditeur qui regarde son ordinateur. Dans un autre registre, celui de l'illustration visuelle de concerts, il y aurait beaucoup à dire sur le Vjing (vidéo-dj-ing, cliquez-donc). Je ne connais pas grand chose à cette discipline donc je ne m'étendrais guère, mais en schématisant au maximum, il s'agit des animations visuelles, comportant une part de temps réel, une part de préparation à l'avance, et une marge d'intervention de l'artiste VJ en temps réel, qu'on peut voir lors de certains concerts, en particulier dans le domaine des musiques électroniques.
Tout cela est bien joli (littéralement très joli), mais on peut aussi se demander à quoi ça sert, en dehors du champ de l'illustration artistique. Quel est l'intérêt à traduire les sons en image ?
Les expérimentations (et pas forcément simples illustrations) artistiques actuelles, dans le joyeux pelle-mêle qui leur est propre, peuvent aider à répondre à cette question, et en l'occurrence la réponse peut-être affirmative. Et à la rescousse je m'en vais convoquer un exemple qui m'a assez marquée : Seconde Nature (clic clic)est une installation artistique de Matt Pyke et de Karsten Schmidt mêlant perceptions visuelles et sonores : en entrée du système, il y a les sons qu'on lui soumet, lesquels génèrent des arborescences sphériques via un algorithme, ce qui permet aux deux designers de donner à chaque type de son une identité graphique.
Chaque typologie de forme est ensuite en mesure d'être associée à un style musical. (Même si dans les faits, j'ai l'impression que les typologies ont été obtenues via sons brefs, en témoignent leurs vidéos de démonstration. Mais qu'importe, ça ne va pas froisser mon enthousiasme pour autant.). On est loin des effets colorés divertissants d'un programme informatique grand public, ici la représentation visuel se voit enfin adjoindre d'une finalité : celle d'une reconnaissance et d'une capacité à "trier" la musique en diverses typologies.
Et c'est là que les choses deviennent réellement intéressantes, peut-être : l'algorithme a changé la musique en symboles visuels simplifiés et intelligibles pour qui va les lire.
Trajectoires des gluons dans une collision de particules réalisée au CERN ? Tout faux, symboles musicaux déterminés par un algorithme. (De l'inconvénient d'employer le mauvais dictionnaire face aux symboles)
Dans le domaine des transformations de la musique vers des images, il y aurait encore beaucoup à dire. Je vais notamment citer le site de The Music Animation Machine, décrivant les expérimentations des 25 dernières années (clic clic). N'hésitez pas à lire un peu, car c'est franchement intéressant. Et pour le plaisir des yeux, ce que te tels programmes peuvent donner en terme d'illustration graphique dans une petite vidéo ci-dessous.
Animation par Music Animation Machine sur l'Arabesque 1 de Debussy
De l'image au son - jouer de la musique en traçant des signes sur le sable (écrire sur l'eau, comme dirait John Cage)
Il y a de quoi baratiner au vu de l'angle précédent (A savoir son ->), et je ne m'en suis d'ailleurs pas privée (pauvres de vous qui m'avais lue jusque là, rassurez-vous il est encore temps d'arrêter et de faire quelque chose de constructif de votre temps, non ?). Mais qu'en est-il du schéma inverse, de la génération directe d'un son à partir d'une image ? Outre la lecture musicale à partir d'une partition et de ses symboles, s'entend. Et encore, les expérimentations du XXième siècle ont cherché à chambouler la notation musicale occidentale traditionnelle via le concept de partition graphique (clic clic), lequel s'avère dans les faits plus ou moins fumeux suivant leurs instigateurs (Je pense notamment à John Cage).
Exemples de partitions graphiques par R. Haubenstock-Ramati (gauche) et J. Cage (droite)
Le but étant souvent de maximiser la place accordée à "l'interprétation" sensible d'un interprète, dont le libre arbitre se voit possiblement convoqué pour orienter l'interprétation. Encore une fois, c'est bien joli, mais encore une fois, on est bien éloignés d'une réciprocité idéale et immédiate entre son et image.
L'idée serait donc d'automatiser l'interface son -> image afin de figer par l'algorithmie des règles de conversion. Le CEMAMu (Centre d'Etudes de Mathématique et Automatique Musicale) a sur ce sujet développé des expérimentations très intéressantes en mettan au point dans les années 1970 une première version de l’UPIC (clic clic), tablette graphique reliée à un ordinateur, avec un affichage vectoriel, sur lequel l'utilisateur dessine les formes d'ondes et les enveloppes de volume, qui sont ensuite traitées par l'ordinateur. En 1987 est produite une version temps-réel, et les développements continuent ainsi jusqu'à l'aboutissement par exemple du séquenceur graphique (car c'est de cela dont il s'agit dans le cadre d'une telle démarche) open-source Iannix. Il existe par ailleurs d'autres outils du même type, citons à titre d'exemple le logiciel Coagula (clic clic).
Plus grand public, on pourrait aussi citer les outils de séquençage MIDI (clic clic) qui permettent de produire de la musique selon une certaine convention à partir de ce qui relève de la partition graphique.
Le séquençage MIDI : une partition graphique, si on veut ...
Ce genre de questions est également au coeur des préoccupations intéressant les programmes de recherche de l'IRCAM (tu m'étonnes John.)
Une telle forme d'article expérimental se qualifiant lui même de "sac à idées mal démêlées", il arrive désormais le moment de conclure, et même si on est encore un peu sur sa faim et que le sujet est (et heureusement) bien loin d'être épuisé. On se rend compte à quel point tout cela réveille des fantasmes artistiques à peine enfouis (je pense notamment à un Klee (clic clic) ou un Kandinsky (clic clic) lesquels ont cherché et même théorisé des correspondances graphiques avec le rythme et la tonalité) et dépasse de beaucoup le cadre de la petite promenade intellectuelle amateuriste que décrit cet article. Et autant pour les diverses aspirations à l'art total qui ont ponctué la vie artistique depuis le 19ème siècle.
Paul Klee, Polyphonie (1932)
Et ça me paraît être une très belle image pour clore cet article.
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D_Z
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Le jour où on était le
17.5.11
Petit interlude sylvestre (Promenons-nous dans les bois, etc.) avant une fournée de nouveaux articles qui n'attendent que la touche finale avant d'être publiés. Même s'il s'agit in fine d'une publicité japonaise pour un téléphone portable, l'idée reste cependant d'une folle élégance toute orientale.
[Cantate BWV 147, J.S. Bach, interprétée par la loi de la gravité devant un parterre d'arbres forestiers]
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D_Z
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Le jour où on était le
22.4.11
Episode #34 où j'abandonne effectivement le principe de la numération sous libellé Lundiclip, puisque je suis infichue d'attendre les lundis et uniquement les lundis pour publier les vidéos qui me plaisent lorsque j'en ai dénichée une. (Daz Soünds reconnait - et assume - son inconstance).
Candy Walls par Trust, donc. Groupe n'a d'ailleurs rien à voir avec le groupe français de papys rockers du même nom, ceux là sont canadiens, ils s'appellent Robert Alfons et Maya Postepsk, et sortent ici leur tout premier single. Et pourraient être les rejetons cachés de Depeche Mode que ça ne choquerait personne tant on fleure ici l'influence New Wave à plein nez.
Leçon de photographie # 17 pour groupe indé' débutant voulant se donner une attitude
Sombre et mélancolique sur ce titre, mais aux sonorités chaudes et entêtantes, comme un capiteux parfum de fin d'été. La voix grave et chaude du monsieur n'y est d'ailleurs sûrement pas étrangère (et évoque plus que jamais Depeche Mode).